Elle fait face au dénommé Attila. Un vieux nécrophile en fauteuil roulant, rien de bien dangereux. Jared se tient à côté de lui aussi, toujours contrôlé mentalement. Rien de bien impressionnant en somme, ça sera rapide....
Naliia serre la hampe de son marteau alchimique, attentive. Tout est déjà planifié ; une course de 8 mètres en ligne droite, une léger mouvement du bras, une simple pression sur la détente...
Octanitrocubane. Dose normale, bien assez pour pulvériser un septuagénaire.
Un rapide coup d'oeil aux autres ; Ils sont eux aussi sur le point de bondir...
La tension est palpable, ça va bientôt commencer.....
"Trois. Deux. U... Le petit vieux sourit...Il se moque de moi ou quoi ? Je vais le..."
Changement de décor.
Un simple battement de cils, et la voilà ailleurs. Un rapide coup d’œil suffit : c'est Rata Sum. Ou plutôt ce qu'il en reste... L'ensemble est assez brumeux, mais clairement en ruine.
Son cœur se serre lorsqu'un pan entier de la structure se désagrège, envoyant les modules de lévitations au gré du vent.
"Une illusion, s'il espère m'avoir avec ça...."
Soudain, des silhouettes apparaissent, et des voix se font entendre. Elle les reconnait, ce sont ses amis. Ou plutôt, ses ex-collègues, comme elle le dit souvent.
Vraenn, Imakk, Naesha, Ellae, Rielkk, Kagrenn, Aerenn... Ils sont tous là. Maliaa aussi ; même si c'est sa sœur avant tout, c'est aussi son amie.
Un sourire se dessine sur le visage de Naliia, même s'il est masqué derrière son casque. Elle s’apprête à leur faire coucou, mais un cri l'interrompt dans son mouvement..
"Traîtresse ! C'est ta faute !"
"Hein ? De quoi .. ?" répond-elle, alors qu'on lui lance des fioles au visage.
Ces fioles... forme et taille caractéristiques, un petit "N" gravé dans le verre... Ce sont les siennes. Le brouillard se dissipe, et elle constate alors la présence de cadavres, asuras eux aussi. Elle ne les connait pas, mais elle sait de quoi ils sont morts. Cette ville en ruine, sa patrie décimée... c'est son œuvre, l'aboutissement de ses travaux..
"Ce n'est qu'une illusion, jamais je ne..."Et alors tout est clair. Ce décor, tout cette mise en scène, ces personnes précises.. Même si rien n'est réel, leur but est évident ; lui faire du mal.
Ce vieux en chaise roulante, il connait ses peurs, il lit en elle comme dans un livre.
"Du calme Naliia, pas de panique, ressaisis-toi, analyse la situation..."Elle tremble déjà, ses gestes ne sont plus sûrs...
"Il faut que je sorte de là, vite.. une solution..."Ses amis l'encerclent, se rapprochent de plus en plus.
"C'est bon, j'ai une idée, il suffit que je..""Tu es bannie !"La phrase fait mouche, comme un coup de poignard.
"Q..quoi ?""Tu es bannie ! Bannie !""Je.. non.. v..vous n'êtes pas réels ! I..ils ne diraient jamais ça !"
Dans la précipitation, elle décroche une seringue bleutée de son poignet gauche et la pointe vers son épaule.
"Allez.. courage. Un bon choc thermique, et tout ça va disparaitre""NE REVIENS PLUS JAMAIS !"Elle se plante brusquement l'objet juste sous la clavicule, la pointe se brise même sous le choc. Douleur intense, suivie d'un froid glacial, qui remonte le long de ses veines. La peau autour de l'impact devient pâle, translucide. C'est une sensation horrible, presque une torture. Mais au final, Naliia n'y fait pas attention. Ce qui fait le plus mal, c'est cette phrase.
Elle met un genou à terre, la main crispée sur son épaule. L'illusion est toujours là.
"N..Non... Pourquoi.."Ses yeux deviennent humides, et elle se laisse rouler sur le côté. Ses compagnons sont désormais au dessus d'elle, lui crachant dessus et lui lançant des pierres. Certains ont même l'air d'y prendre un plaisir malsain.
Naliia se laisse faire. Elle n'a pas le courage de se défendre.
Même s'ils ne sont pas réels, elle ne peut se résoudre à frapper ceux qui autrefois étaient sa raison de vivre. Depuis le temps, elle pensait avoir fait le deuil de leur départ, mais là c'est différent. Ils ne partent pas, ils la rejettent.
Elle reste là de longues minutes, à sangloter. Essayer de faire le vide, ne pas penser à tout ça...
Elle se relève lentement, essaie de partir au loin, mais elle se refait pousser à terre.
Au moment de toucher le sol, elle sent quelque chose dans sa poche intérieure. La clochette de Silvie, censée perturber les mages. C'est la solution.
Naliia fouille sous son armure avec difficulté et, de son seul bras valide, elle agite de toute ses forces la petite cloche.
Tiing Tiing Tiing..Les asuras reculent, l'air apeurés. Ils sont désormais à plusieurs mètres...
Tiing Tiing Tiing..C..ça marche ! C'est ça ! Je suis sauvée !La clochette se brise, elle est à utilisation unique. Le tintement résonne encore quelques secondes et puis... L'illusion est toujours là.
"N..non !"Paniquée, elle sort une grenade et la lance devant elle, là où se tenait le vieux mage avant que tout ceci ne débute. Si elle arrive à le toucher, ça sera fini.... Un crépitement sourd se fait entendre, mais rien....
Les asuras reviennent, armés à présent.
"Je.. c'est un signe, ça prouve que j'ai failli l'avoir !"Elle retente sa chance ; trois grenades d'un coup maintenant. Ses amis la mettent en joue.
Alors qu'elle arque son bras, une grenade atterrit à ses pieds. Celle là, ce n'est pas la sienne.
"Rien n'est réel, ils ne peuvent rien me faire.... je..."L'explosion la frappe de plein fouet, elle se retrouve projetée contre un mur.
Cette fois-ci, elle éclate en larmes. Des larmes de tristesse, mais aussi de rage, contre cet humain qui se permet de jouer avec ses sentiments, avec ses amis.
C'est trop dur. Elle aperçoit la hampe de son marteau non loin, intact. Il y a une autre solution, mais elle s'y refuse. Même s'il ne s'agit que d'un rêve, c'est un de ses tabous. Ne jamais utiliser ses inventions sur les personnes qui lui sont chères. Ce sont des armes pour protéger, pas pour faire souffrir. C'est ce qu'elle se répète sans cesse, mais au final, cette logique est biaisée, et elle le sait.
Avec hésitation, elle tend le bras vers le métal, qui semble presque l'appeler.
"Je vais le faire. Je vais sortir de là, et ensuite, je vais me venger sur cet infâme fils d'Ettin. Il va regretter de s'être attaqué à moi. Je vais le tuer, lui arracher les tripes, lui crever les yeux, je..."Les asuras s'approchent de son corps, lentement. L'un d'eux se penche, pour vérifier son pouls, mais il se fait cueillir en plein visage par la tête vrombissante du marteau, ayant à peine le temps de crier avant d'être recouvert entièrement par la glace.
"Désolée Imakk... *sanglots*"Naliia se refuse à regarder, mais elle sait que cette idée même la hantera pour longtemps. Le visage d'un ami cher, tué de ses propres mains.
Les autres se jettent sur elle, prêts à en découdre. Un second succombe à la puissance destructrice de l'alchimie, explosant dans une gerbe de sang.
"Ellae, je..."Cette fois ci il est trop tard pour reculer. Elle est décidée. C'est l'heure de la vengeance, et cette vengeance sera rouge. Un nom résonne dans sa tête, tel un roulement de tambour.
"Attila"Alors que Naliia s’apprête à occire un troisième camarade, l'illusion se dissipe, laissant place à la caverne du début, et au tintement léger de la cloche de Silvie.
Pas le temps de souffler. Le combat final commence maintenant.
Le plan ? C'est presque le même.
Charge en ligne droite, un revers vengeur du bras, une pression crispée sur la détente.
Octanitrocubane. Dose maximale. Peut être pas suffisant pour soulager cette envie de tuer.
De la buée se forme sur le casque de Naliia, à l'intérieur duquel se mêlent pleurs et insultes. Le haut-parleur est coupé, elle ne veut pas se dévoiler ainsi aux autres. La mâchoire crispée, elle s'avance, marteau dans la main droite, bras gauche ballant.
Cette fois-ci, ça ne sera pas rapide. Elle va s'en assurer.